Voyages d’affaires en baisse: opportunité pour certains, coup dur pour d’autres
La chute des visiteurs pour faire du business en raison de la pandémie pourrait perdurer. Toute une chaîne de commerces et de services s’en trouve affectée. Mais pas les sociétésmères qui avaient l’habitude d’envoyer leurs employés en voyage et peuvent davantage se mettre au numérique.
9 459. C’est le nombre d’étrangers ayant foulé le territoire mauricien pour affaires de janvier à septembre cette année contre 38 044 arrivées pour la même période l’année dernière, selon les chiffres de Statistics Mauritius. Cette baisse, conséquence directe de la pandémie pourrait toutefois s’installer dans la durée, devenant une nouvelle normalité avec la montée en popularité des technologies de la communication et de l’information à l’instar de Zoom ou Microsoft teams, entre autres. Constat rapporté sur le site du World Economic Forum, et confirmé par le magnat des affaires, Bill Gates, qui prévoit une baisse des voyages d’affaires de 50 % et une réduction de la présence des employés dans les bureaux de plus de 30 %.
Si une diminution des voyages d’affaires par année est synonyme d’économies pour les entreprises, l’impact sur les commerces dépendant de cette communauté des affaires itinérante, risque d’être moins réjouissant. «La situation est telle qu’il n’est pas recommandé de voyager. L’avènement d’un vaccin disponible sur le marché, son accessibilité et la vérification de son efficacité sur toute la population, prendront du temps. Cela dit, les compagnies doivent continuer à opérer, et c’est là que l’e-marketing et les outils de téléconférence nous facilitent la tâche ; ça change complètement la manière de faire du business. Les voyages d’affaires coûtent cher à une entreprise, les réduire et utiliser ces technologies de communication sera bénéfique au flux de trésorerie des entreprises», explique Shahed Hoolash, président de l’Association of Trust and Management Companies (ATMC).
Il estime que, pour les sociétés-mères, la baisse du nombre de voyages d’affaires risque d’être encore plus prononcée maintenant que les ressources sont focalisées sur le maintien du business local dans leur pays d’origine, «au lieu de plusieurs voyages d’affaires par an, il n’y en aura qu’un, un modèle durable avec les webinars qui sont de plus en plus fréquents et qui présentent même plus d’avantages, dont la possibilité d’’enregistrer des réunions».
En effet, si toutes ces technologies étaient déjà utilisées, le télétravail, Covid-19 oblige, a bousculé nos habitudes en accélérant la transition vers le numérique. «C’est une opportunité pour les entreprises de capitaliser sur ces nouvelles technologies pour améliorer leur efficacité, il ne s’agit pas uniquement d’une réduction des coûts pour l’entreprise mais aussi d’une occasion d’augmenter la productivité de ces hommes d’affaires qui n’auront pas l’obligation de passer des heures dans un avion, et parfois perdre un ou deux jours pour simplement assister à une réunion qui n’aura duré que deux ou trois heures. Cela leur laissera plus de temps libre à titre personnel ou professionnel», explique l’économiste, Kevin Teeroovengadum. Il ajoute qu’une réduction d’au moins 50 % de la fréquence habituelle des voyages d’affaires à travers le monde est tout à fait possible surtout en tenant compte des avancées technologiques, telles que la réalité augmentée qui permet de voir ou mieux encore de visiter des infrastructures ou résidences à distance avant un achat tout en ayant l’impression d’y être, les plans en 3-D, 4-D ou encore les hologrammes ne seront plus œuvres de fiction à l’avenir, d’autant plus que les géants des télécommunications se penchent déjà sur la technologie 6G.
Toutefois, prévient l’économiste, un tel virage n’est pas sans conséquence. «Il nous faut oublier nos réflexes obsolètes ; nos habitudes doivent changer ; et vont changer avec l’intégration de la technologie dans notre quotidien. Les hôtels d’affaires devront revoir leurs offres et positionnements ; il y a également toute la chaîne qui suit, entre autres, les chauffeurs de taxi et les restaurants qui jusqu’à l’heure visaient cette clientèle.» L’investissement n’est pas en reste. Il y a plusieurs types de voyageurs corporate ; nous retrouvons ceux du secteur offshore, par exemple, qui doivent se rencontrer pour la réunion du conseil d’administration de leur entreprise pour prendre des décisions. Il y a aussi ceux qui se déplacent à l’étranger pour des conférences et il y a ensuite les investisseurs. «Qu’importe la catégorie, quand des hommes d’affaires viennent à Maurice, certains sont attirés par les exercices de marketing, comme la vente de résidences sur les billboards. Ils vont voir et achètent.» À ce sujet, nous avons essayé d’obtenir l’analyse de l’Economic Development Board (EDB) mais en vain.
Autre point, cette baisse dans les voyages d’affaires risque aussi d’impacter l’aviation. Selon un expert du secteur, le trafic aérien restera bas pour au moins les 24 prochains mois et la faible demande pour les sièges en classe affaires pourrait entraîner la naissance d’une classe «premium eco». «La compétition sera bénéfique à nos concurrents, car provoquant une guerre des prix sur le marché. Pour le moment, Air Mauritius ne fait pas le poids au niveau des ventes car la confiance dans la compagnie d’aviation a été ébranlée.»
«Les voyages d’affaires coûtent cher à une entreprise.»
Hormis les investissements et l’aviation, quid des commerces et métiers qui dépendent en majorité du passage d’hommes et femmes d’affaires sur notre sol ? «Ma licence de taxi est pour la région de Beau-Bassin ; toutefois avec notre système de travail, nous avions aussi comme clients, des hommes d’affaires qui séjournaient au Hennessy Park Hotel. Ils ne restaient pas longtemps, trois jours au maximum, mais ils avaient besoin d’être quotidiennement véhiculés. Étant donné qu’il n’y a plus d’étrangers qui viennent, nous travaillons désormais sur notre base d’opération dans la ville et avec les clients mauriciens» dit Salim Luttoo, chauffeur de taxi à Quatre-Bornes. Abondant dans le même sens, Yashpal Murrakhun, président de la fédération des taxis d’hôtels, déclare que si la baisse de la clientèle d’affaires est permanente, les taxis qui travaillent avec les hôtels d’affairesse retrouveront dans une situation délicate «Ils ne pourront pas travailler avec les hôtels de la région côtière car leur licence est pour opérer dans les villes.»
Nous avons contacté le groupe Indigo et Voilà Bagatelle, qui évoluent dans ce secteur, mais ils n’ont pas souhaité faire de commentaires. Holiday Inn, du groupe Omnicane, adopte, pour sa part, un ton plus rassurant sur l’avenir du segment des voyages d’affaires. «Conformément aux propos tenus par Bill Gates, il est vrai que l’activité des voyages d’affaires subit une chute causée principalement par la montée en puissance du numérique. Néanmoins, nous pensons qu’elle sera temporaire ; certaines entreprises ne peuvent uniquement dépendre du télétravail. Nous le savons tous : le numérique enlève la créativité, atténue l’innovation et l’alchimie des idées qui se créent et se développent sur le terrain. Les affaires se concluent souvent autour d’une collation et d’une poignée de main. Les propos de Bill Gates ont donc leurs limites», précise Jean Laurent Astier, directeur général de Holiday Inn.
Il estime que l’établissement restera homologué pour la quarantaine jusqu’à l’ouverture totale des frontières aux clients et équipages. «Cependant, il est évident que la reprise sera lente, traduite par une baisse d’activité pour l’année 2021. Notre mix de clients nous permet de ne pas dépendre uniquement de la clientèle d’affaires. À la reprise des activités touristiques, notre établissement bénéficiera directement de ses effets. Faisant partie d’une chaîne internationale, nous offrons un produit et un service de qualité aux normes IHG. Le label Clean Promise et ses protocoles en sont la preuve.» Il ajoute que «l’évolution de notre produit business passera donc impérativement par un repositionnement basé sur la qualité. Nous sommes d’ailleurs en réflexion sur l’agrandissement de notre établissement en corrélation avec les activités de conférences et événementiels. Notre stratégie est en marche.»
Dans le même élan, le directeur exécutifde Business Mauritius, Kevin Ramkaloan, est d’avis que, même s’il y aura une réduction des voyages d’affaires, le numérique ne pourra pas totalement remplacer le contact humain nécessaire à la bonne marche de certains dossiers. Afsar Ebrahim, directeur exécutif de Kick Advisory Services va encore plus loin ; selon lui, le contact humain est nécessaire pour instaurer la confiance qui mène à la concrétisation de certaines affaires. «On ne peut pas remplacer le contact humain. Les plateformes numériques sont formelles, mais beaucoup d’affaires sont menées à bien à travers des discussions informelles. Les gens n’achètent pas toujours des produits venant d’une institution mais d’une personne, dépendant des secteurs d’activité. Pour Microsoft, par exemple, tout peut se faire en ligne ; la qualité du produit est déjà reconnue mondialement mais pour les services financiers, où il s’agit de vendre un service et donc de mettre en avant une expertise et une compétence technique intangible, il faut un climat de confiance qui s’installe plus aisément à travers un face-à-face.» Pour Afsar Ebrahim, le pays étant Covidsafe, il affirme qu’une fois, les formalités de quarantaine revues, les investisseurs reviendront plus facilement dans le pays. En attendant, il ne nous reste plus qu’à espérer que les fameux vaccins contre le Covid-19 auront atteint nos rivages avant qu’une deuxième vague de la pandémie ne frappe à nos portes.
Source: http://bit.ly/2MG8TAN
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